Les couvertures en disent long sur les ouvrages qu’elles ornent. Celle des Véritables, à la beauté sobre et à la composition épurée, ne laisse pas deviner qu’elle illustre un roman de fantasy. Pas vraiment représentative du genre, elle est aussi atypique et originale que le texte qu’elle présente.

Le récit s’ouvre sur un conflit moral propre à déstabiliser le lecteur qui découvre Tillih, l’héroïne. La jeune femme est une arme de guerre, élevée, modelée, programmée dans l’unique but de défaire l’impitoyable Lance, son ami d’enfance, qui s’est rendu maître de la luxuriante Contrée du Jaspe Vert. Sans se poser de questions, la guerrière part accomplir sa mission : s’infiltrer au plus près de Lance, gagner sa confiance et le frapper selon les ordres. Nous suivons donc les traces d’une assassine en devenir, dont le plan d’attaque n’est pas des plus honorables. Quant à sa cible, Lance, il est certes féroce et insensible, mais il n’en demeure pas moins attachant et ses actes se trouvent justifiés. L’auteure pose là les grandes lignes qui feront la force de son œuvre : elle ne laisse que peu de place au manichéisme, le bien et le mal ne sont pas facilement identifiables, ce sont des idées fluctuantes et les sages paroles de Tolbar abondent en ce sens : « Nous sommes capables du pire comme du meilleur mais pourquoi choisissons-nous l’un plutôt que l’autre ? Et si nous avons fait un choix, qu’est-ce qui nous empêchera de faire autrement la fois suivante ? ».

Le roman soulève avec finesse des questions aussi complexes que celles de la manipulation politique et de l’endoctrinement. Tillih va peu à peu apprendre et comprendre les fils qui ont été tissés bien avant sa naissance. Elle va devoir discerner la réalité entre légendes, croyances et fictions, entre invasions barbares et complots d’hommes-animaux.

13532996_1285767508118669_769893722342522375_nLes Véritables, c’est le roman de l’insaisissable, de l’inattendu. Aucun personnage n’est réellement ce qu’il semble être, et, dans les pas de Tillih, nous allons d’émerveillements en déconvenues. Les chemins narratifs empruntés sont toujours ceux que l’on n’attendait pas. Il est difficile de prévoir ce qu’il va advenir une dizaine de pages en avant, on imagine, on espère, on se trompe souvent et les évènements n’en sont que plus épatants.
L’originalité de l’histoire réside également dans le héros qui est … une femme. Je suis peinée de devoir le présenter comme un fait exceptionnel, mais ne nous voilons pas la face, les héroïnes féminines dans les œuvres de pure fantasy ne sont pas légion. Quelques figures féminines fortes ont émergé avec des cycles comme l’Epée de Vérité ou le Trône de fer, mais force est de constater qu’elles ne sont pas les personnages principaux des œuvres dans lesquelles elles sont nées et elles sont bien souvent soumises à un destin tracé par des hommes. Ici, le héros est une femme, le personnage qui va jouer le rôle de mentor est une femme, la légende qui raconte la naissance du monde et l’organisation de la vie a pour objet … une femme ! Il y a également le terrible peuple des Amappolytes, les femmes guerrières et leur chef Brüenn, que l’on ne croise qu’à travers des récits d’autres personnages mais qui suscitent fascination et curiosité. Tout ce beau monde évolue dans un univers masculin, mais elles ne sont pas en reste et sont toutes dotées d’une classe indéniable. Il est néanmoins important de souligner que si c’est un livre qui met en avant des femmes, ce n’est pas un livre spécifiquement pour les femmes. Il est à même d’emporter n’importe quel lecteur sans distinction de sexe.

L’auteure s’inscrit dans la lignée des grands noms du genre en jouant les démiurges. Elle créé un monde de toutes pièces, avec sa géographie, son histoire, sa cosmogonie et ses mythologies. Les légendes, distillées au fil de l’histoire, sont à la fois fascinantes et crédibles. Elles jouent le rôle premier des mythes : expliquer le monde à travers des métaphores. Ce texte est une source intarissable d’émerveillements intellectuels aussi bien que visuels : des images magnifiques naissent dans l’esprit du lecteur avec une netteté incomparable.

Ce qui frappe dans ce roman c’est la véracité psychologique qui anime les personnages. Notamment sur la question du meurtre. Nous sommes habitués à des héros qui pourfendent les ennemis à tour de bras sans remords aucun. Ici, chaque mort donnée pèse et compte. Tillih est une héroïne humaine qui a des réactions et des préoccupations humaines, en dépit du destin exceptionnel qui la guide. Elle fait des choix profondément humains, elle a peur, elle est tiraillée, elle fuit, elle change d’avis … On s’attache et on s’identifie donc très facilement à elle.

C’est un récit en forme d’apothéose, qui se dévoile avec justesse, la tension comme l’enchantement montent crescendo au fil des découvertes et des révélations, jusqu’à cette fin à la fois déchirante et porteuse d’espoirs nouveaux.

Vous l’aurez compris, c’est un immense coup de cœur et il m’est difficile de choisir des mots pour crier mon amour face à cette œuvre atypique et poignante. On délaisse les habituels chevaliers et dragons pour nous plonger dans une fantasy plus brute, plus sauvage, viscérale et archaïque, qui signe à bien des égards le renouveau du genre.

J’ai eu l’immense plaisir de rencontrer Nathalie Bellesso, retrouvez ci-dessous l’interview que nous avons réalisée ensemble et mon avis vidéo sur ce livre 😉

Categories: Lecture

Sandy

Les livres et les bonnes histoires m’ont toujours accompagnée. Dans mes loisirs, comme dans mes études. Après un baccalauréat littéraire, j’ai suivi ma passion jusqu’en licence de Lettres Modernes puis jusqu’en Master à l’intitulé nébuleux (Imaginaires et Genèses littéraires) après lequel j’ai pris une année de pause en pensant me consacrer à mes petits projets trop longtemps remis au lendemain avant de poursuivre mon cursus en thèse. Cette année fut d’une richesse incroyable, j’y ai appris énormément de choses et surtout j’ai entrepris ! J’ai lancé ma chaîne youtube, le présent blog, j’ai fondé Magic Mirror éditions, j’ai écrit mon premier roman et entamé le deuxième … Tant et si bien que la thèse attendra encore un peu

2 Commentaires

Kim · le 11 juillet 2016 at 20:51 pm

Tu m’as donné envie de le lire, vraiment. Pour son originalité, sa force que tu vantes. Merci.
Et pour ce qu’il s’agit d’héroïne féminine dans la fantasy, je te conseille de lire, si ce n’est pas déjà fait, les trilogies tirées de l’excellente plume de Licia Troisi : Chroniques du Monde Emergé, Guerres du Monde Emergé et enfin Légendes du Monde Emergé. Pur chef-d’oeuvre, où l’héroïne est une femme.

A bientôt.

    AudryEsprint · le 13 juillet 2016 at 13:25 pm

    Merci à toi de me lire et de me laisser un si gentil commentaire 😉
    Je ne connais pas du tout Licia Troisi :O Merci pour la référence, je l’ajoute à ma liste de livres à dénicher, en ce moment j’ai très envie de lire de la fantasy qui met à l’honneur des femmes justement 🙂
    A bientôt !

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