Vous le savez (ou pas) je vis une relation amour-haine, attraction et répulsion avec Sarah J Maas. ACOTAR a su me mettre des étoiles dans les yeux quand Keleana m’a laissée de marbre. Alors quand j’ai abordé sa troisième saga, Crescent City, je ne savais pas à quoi m’attendre, c’était quitte ou double.
Publié en France chez De Saxus, Crescent City nous raconte l’histoire de Bryce, une métisse, mi-fae mi-humaine, fêtarde invétérée aux mœurs libres et de ses aventures au cœur de Lunathion, une ville résolument moderne. Un jour qui ressemblait aux autres, sa vie bascule dans les ténèbres. Elle va traverser les heures (en l’occurrence les années) les plus sombres avant qu’on lui flanque un ange beau-gosse déchu comme garde du corps et qu’on la pousse à enquêter sur ce qu’il s’est vraiment passé cette nuit-là.
Mystères à résoudre, démons à traquer, objet mythique à retrouver, trafic à démanteler, autorité gouvernementale à remettre en question … Une course poursuite haletante va se dérouler dans les rues de cette ville a l’atmosphère si marquée.
Si je m’étais contentée de me faire un avis sur les 50 premières pages, j’aurais abandonné ce livre. Déjà, c’est tout a fait subjectif, mais j’ai eu du mal avec la vulgarité gratuite. Autant quand elle sort de la bouche des personnages, pourquoi pas, mais alors qu’on trouve des « putain », des « salope » et autres joyeusetés dans la narration, ça ne passe pas chez moi. Ensuite je me suis ennuyée. On commence sur un loooong état des lieux de la vie sentimentale (et sexuelle) de Bryce et connaître la couleurs des dessous d’un personnage auquel je ne suis pas encore attachée autant vous dire que ça ne me fait pas palpiter. Je passe sur les soucis éditoriaux, les coquilles que j’ai trouvées ne m’ont pas sortie de ma lecture pour autant, en revanche j’ai trouvé la traduction franchement maladroite et ça ne m’a pas aidée à rentrer dans le roman. Souvent je me suis retrouvée à reconstituer la phrase en anglais plutôt qu’à poursuivre la lecture.
Mais mon souci majeur est récurrent chez Maas (j’avais eu cette sensation avec ACOTAR) : on a l’impression de débarquer au milieu d’un tome 2. On nous balance 12 000 informations/lieux/personnages sans contexte, sans rien expliquer comme si on était sensés déjà les connaître. Une fois l’univers maîtrisé ce n’est pas gênant mais j’avoue qu’au début c’est déroutant pour moi. D’autant plus que je ne suis pas familière de l’Urban Fantasy et que voir un malakim prendre un selfie ça me hérisse un peu le poil.
Maiiiiiiiiiiis …
La magie a opéré autour de la page 100, et pas qu’un peu. La vulgarité ? Elle forge l’identité et la saveur pimentée du texte. Le mélange de magie et de technologie si déroutant ? J’ai fini par l’adorer. Oublié ce trop plein d’informations au parfum de mélasse, il s’est changé en foisonnement riche et subtil.
Alors, comment ? Pourquoi ? Que s’est-il passé ? Suis-une girouette ? Suis-je faible face au boule de Hunt ?
Si j’accroche rarement avec les débuts de roman de Maas, je trouve qu’elle a un talent incomparable pour écrire des personnages attachants et leur créer des relations bouleversantes. Bryce s’est érigée dans mon top 5 des héroïnes féminines que je préfère. Elle commence par être agaçante, trop légère, trop délurée, trop sure d’elle. Mais au fil des pages, on découvre le vrai visage derrière le masque. La jeune-femme brisée, son courage, son abnégation, son intelligence, son amour absolu, sa dévotion … Elle en devient terriblement attachante. Ses relations avec les autres personnages la rendent encore plus poignante : sa loyauté envers Danika, cette tendresse voilée pour Ruhn, ce lien qu’elle tisse peu à peu avec Hunt …
La phrase qui transcende tout le livre – L’amour est tout puissant – est encore plus significative en anglais : Through love all is possible. Il y a une notion d’action et d’individu. On peut tout faire par amour. Cette maxime, anodine au début, se déploie, se tisse tout au long de l’intrigue pour devenir primordiale, omniprésente et lumineuse.
J’aime Hunt Athalar avec ses lignes de dialogue ciselées mais aussi parce qu’il n’est absolument pas parfait, en témoigne un choix (que je ne divulguerai pas pour ne pas vous gâcher la surprise) bête et vain que j’ai du mal à lui pardonner. Je suis amoureuse de Ruhn Danaan avec son look de punk en dépit de son statut de Prince Céleste, son côté protecteur, sa douceur et ses faiblesses. J’admire Hypaxia pour sa discrétion et son geste qui changera tout. Je donne mon cœur à Lehabah. Jesiba, Aïdas et les mystères obscurs qu’ils portent m’intriguent plus que de raison. J’ai détesté Michée et ses airs trop polis dès sa première apparition. Et puis Danika. Danika qui est absente près de 800 pages mais qu’on a l’impression de connaître. J’ai envie, moi aussi, de l’aimer comme Bryce l’aime.
Bref. Sarah J Maas sait écrire de bons personnages. Ceux qui touchent.
Elle excelle aussi dans la construction d’intrigue. Même si elle s’étend sur plus de 900 pages, tout a du sens, chaque petit détail est utile, justifié. A la fin, tout s’emboîte si parfaitement que ça force l’admiration. Elle a pensé à tout, elle maîtrise tout, c’est magistral. Le récit se construit comme une tornade, plus on se rapproche de l’œil, plus ça se resserre, plus ça va vite. J’ai dévoré les 500 dernières pages.
L’univers est riche, bien pensé, fouillé, avec un contexte politique aussi passionnant que solide, des mythes, une Histoire, des histoires … On a envie de l’explorer, d’arpenter nous aussi les rues de Lunathion, boire un verre au Corbeau Blanc et se promener dans la galerie de Jesiba.
Le dénouement est magistral. J’ai retenu mon souffle à chaque mot. Je ne peux pas trop en dévoiler pour ne pas spoiler mais sachez qu’il est extrêmement satisfaisant à bien des égards. Terrifiant aussi.
Ceci étant dit, le tout dernier segment me laisse tout de même un peu dubitative et là pour en parler je suis obligée de spoiler :
Attention je vais spoiler
J’aurais aimé que le roman s’achève après l’affrontement entre Bryce et Michée. Il est bien mené, empli de suspense, de tragique et d’émotion. Et le fait que tous les autres personnages y assistent à distance, sans pouvoir rien y faire c’est juste génial comme idée : en tant que lecteur on a l’impression d’être avec eux, spectateurs impuissants.
Ensuite tout bascule : on part sur une apocalypse démoniaque avec des monstres partout, une Bryce que j’aimais pour sa simplicité qui se transforme en héroïne badass et une surenchère constante. Michée était imbattable ? Maintenant il y a des démooons. Les nuées de démons sont affreuses ? Maintenant les Asteri essaient de détruite la ville à coup de boooombes. Bryce a le cor en elle et c’est déjà dingue ? Sachez qu’elle a aussi la puissance d’une étoiiiiiile.
Bref vous m’avez compris, j’ai moins aimé ce dernier segment qui faisait un peu surjoué et too much face à la subtilité parfaite du dytique entre le sommet des puissants et le huis-clos avec Michée.
J’ai tout de même apprécié la libération de Hunt, le retour d’Ithan et ce moment sublime du Saut avec Danika. Mais quand même, le délire survivaliste et Bryce qui devient surpuissante j’ai moins aimé.
Mais ce n’est qu’un petit caillou face à la montagne d’amour que j’ai pour ce livre, les personnages qu’il abrite et toutes les histoires, celles racontées et celles en puissance, qu’il renferme.
Si vous vous lancez dans l’aventure, accrochez-vous les cent premières pages, ensuite vous ne pourrez plus le lâcher ;
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