À l’heure où une bonne partie d’internet s’émeut ou s’indigne à l’idée de voir disparaître nos accents circonflexes et le [i] de « oignon », j’ai eu envie de vous parler d’un petit livre que j’affectionne particulièrement et que j’aime à feuilleter en ces temps troubles pour la langue de Molière.

« À Johnny Depp, qui fut tendrement lié à la langue française, on demandait quelle était l’expression qui lui plaisait ; il répondit : « de guingois ». Car le français va vraiment de travers. Entrons donc à cloche-pied dans ses bois hasardeux pour y cueillir les fruits les plus piquants de son épinosité. »[1]

Chienne de langue française !, car c’est  son petit nom, est un recueil qui explore les bizarreries du français avec finesse et humour. Fabian Bouleau, l’auteur, est un fervent amoureux de la francophonie et il rend ici un hommage « tendrement agacé » aux mots et tournures de phrases qui nous donnent du fil à retordre au quotidien. Il aime le français et le châtie à hauteur de son attachement.

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Des fameux accents circonflexes qui font tant parler d’eux aux conjugaisons ridiculement précieuses à la « amputasses » en passant par nos orthographes délirantes, nos adverbes mal fagotés et nos adjectifs peu usités, tout ce qui déraille dans notre langue passe sous la plume affectueusement acérée de l’écrivain. Il décrypte les origines, parfois obscures, souvent cocasses, des mots et de leurs emplois en convoquant à loisir d’autres langues voisines ou lointaines.

Cet ouvrage se déguste comme une sucrerie : on prend son temps, on en apprécie chaque phrase et … on se fait plaisir ! Loin de ressembler à un lourd traité de 20160205_132121_004-1024x576lexicologie, Chienne de langue française ! est rédigé avec un humour ravageur et rafraîchissant.

Il est bourré d’anecdotes rigolotes sur des expressions que l’on utilise à foison sans les connaître vraiment. Tirant presque du poème en prose tant les mots sont choisis avec soin, chaque article est drôle, divertissant et d’une intelligence remarquable. Non content de combler nos lacunes syntaxiques ou étymologiques, il engage une réflexion sur le rapport de l’Homme à la langue qu’il parle. Ni pédant, ni ronflant mais visionnaire et léger, ce texte qui s’érige en traité est à mettre entre toutes les mains : celles des linguistes confirmés comme celles des non-initiés.

« […] la langue française est une langue tordue. Il faut le reconnaître. Soyons humbles et circonspects, et tournons-la sept fois avant de la célébrer. »[2]

 

Du même auteur, découvrez Soleil Noir, un polar atypique et envoûtant.

[1] Voir Chienne de langue française ! page 12

[2] Voir Chienne de langue française ! page 11

 

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Categories: Lecture

Sandy

Les livres et les bonnes histoires m’ont toujours accompagnée. Dans mes loisirs, comme dans mes études. Après un baccalauréat littéraire, j’ai suivi ma passion jusqu’en licence de Lettres Modernes puis jusqu’en Master à l’intitulé nébuleux (Imaginaires et Genèses littéraires) après lequel j’ai pris une année de pause en pensant me consacrer à mes petits projets trop longtemps remis au lendemain avant de poursuivre mon cursus en thèse. Cette année fut d’une richesse incroyable, j’y ai appris énormément de choses et surtout j’ai entrepris ! J’ai lancé ma chaîne youtube, le présent blog, j’ai fondé Magic Mirror éditions, j’ai écrit mon premier roman et entamé le deuxième … Tant et si bien que la thèse attendra encore un peu

2 Commentaires

Andreal · le 6 février 2016 at 10:10 am

Super article ! ça donne vraiment envie ^^
Je pense, concernant cette réforme, qu’elle a permis de se rendre compte qu’on avait (trop) tendance (pour certains en tout cas) à négliger la langue française pourtant si riche comme tu le dis dans ton article. C’est vrai que la langue évolue, c’est normal, mais de là à rabaisser le niveau pour les écoles (primaires, collèges et même lycées apparemment), c’est rabaisser les gens au contraire. C’est peut-être très con ce que je vais dire, très naïf, mais j’ai toujours pensé qu’on devait “élever” les enfants (même si ça, c’est le rôle des parents, celui des professeurs est l’éducation, qui sont deux choses différentes mais apparemment les parents d’aujourd’hui prennent l’école pour une garderie et c’est tout) et non pas de les rabaisser ou de les dévaloriser. Je pense qu’on sait déjà assez ce qu’il se passe quand les élèves sont en échec scolaire : ils font des conneries, dans le meilleur des cas ils se réorientent mais ne font pas forcément un métier qui leur plaît, ou en tout cas, n’ont pas eu la chance de choisir leur propre vie et c’est franchement dommage.
Evolution de la langue : oui ; rabaisser le niveau intellectuel : non.
Et décidément j’ai tendance à écrire beaucoup moi ^^’ En tout cas, bel article, belle découverte. Je rajoute le livre à ma wish list déjà grande ^^
Belle journée à toi 🙂
[Doit sûrement il y avoir des fautes, mais d’inattention ;)]

    AudryEsprint · le 6 février 2016 at 18:30 pm

    Je suis parfaitement d’accord avec toi. C’est vrai qu’une langue évolue sans arrêt, mais les ratifications suivent normalement l’usage au lieu de l’imposer. Et plus encore que la réforme en elle-même, c’est le raisonnement qui m’afflige : si langue est difficile à apprendre alors donnons plus de moyens au système éducatif, formons mieux les enseignants, trouvons des solutions positives ! C’est effrayant de voir qu’on simplifie une langue pour des questions de difficultés d’apprentissages. Si l’on appliquait cela pour tout, personne ne progresserait jamais.
    Bref, merci de ton passage et de ton commentaire, belle journée à toi 🙂

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